LES HORREURS DE LA DICTATURE COMMUNISTE

LA DICTATURE D’ENVER HOXHA, L’HISTOIRE QUE PERSONNE N’A JAMAIS RACONTÉE

Pour ceux qui ne connaissent rien de l’Albanie et désirent en savoir plus sur ce beau pays, je vous recommande de lire ceci et de commencer par l’histoire du communisme et de la dictature d’Enver Hoxha.
Lorsque je me suis rendue en Albanie pour la première fois, j’ai écouté, incrédule, les récits sur le communisme. Je ne pouvais pas comprendre (et je ne peux toujours pas) comment l’Europe était sortie de la guerre et essayait d’aller de l’avant, tandis que le temps s’était arrêté en Albanie. Toute la nation était assombrie et commençait à s’éloigner du reste du monde.
Je repense aux longues années scolaires, aux leçons d’histoire pendant mes études ; toujours les mêmes dates, les mêmes événements. Mais dans aucun livre, je n’ai jamais lu quelque chose qui racontait l’histoire de l’Albanie après la guerre. Je n’ai jamais vu de films à ce sujet et personne ne m’a jamais dit ce qu’étaient en train de vivre les hommes, les femmes, les enfants et les jeunes adolescents comme moi, juste à côté de chez nous.

Comment était-ce possible ?

La question est évidemment rhétorique parce qu’il est clair que quelqu’un a rendue possible cette histoire, mais aujourd’hui, après plus de 30 ans, nous pouvons regarder en arrière, nous pouvons combler ce manque de connaissance et nous pouvons enfin comprendre ce qui s’est passé pendant cette période.

La possibilité d’une nouvelle ère

L’histoire que peu de gens connaissent commence pendant l’occupation italienne des années 40, quand Mussolini tentait de coloniser l’Albanie. Ce fut à cette époque que le Mouvement de Libération Nationale est né avec son armée composée de partisans de nationalités albanaise et italienne. Dirigé par le nouveau Parti communiste, le Front de Libération Nationale a vaincu les armées allemandes. Tout ce qui restait du fascisme et du nazisme a cessé d’exister en faveur du premier gouvernement démocratique proclamé le 28 novembre 1944 (anniversaire de l’indépendance nationale, célébré encore aujourd’hui).

À la tête de ce nouveau gouvernement, son chef Enver Hoxha, avait lentement fait son chemin en affirmant avec fermeté, son idéologie stalinienne. Né à Gjirokastër et ayant fait des études à l’étranger, Hoxha suivit dès le début le modèle politique soviétique qu’il avait étudié lors d’un séjour prolongé en Russie.

Enver Hoxha a Odrican
Le partisan Enver Hoxha à Odriçan 1944

L’objectif : un nouveau pays, socialiste et indépendant. La réalité : une dictature féroce

Une fois au pouvoir, Hoxha a mis en œuvre des réformes avec la mise en place d’un système social de type stalinien, en abolissant ainsi la propriété privée et en imposant la nationalisation des industries. Il a modifié la réforme agraire, celle de l’éducation et de la santé, tout ça, pour s’assurer que l’Albanie allait devenir une nation socialiste indépendante capable de produire suffisamment pour minimiser les importations de matières premières.
Parallèlement, il a également mis en place un mécanisme de répression forcée qui est devenu de plus en plus violent et vicieux à l’égard de toute liberté d’expression et de pensée.
Il a interdit le culte religieux, de toute forme et croyance. Il était interdit de professer une religion, de posséder des livres ou des objets religieux, même d’appeler ses enfants par un nom religieux était un délit sous peine d’emprisonnement jusqu’à 10 ans. Il a saisi des églises, des cathédrales, des mosquées et des synagogues qu’il a transformées en musées, bureaux d’État ou qu’il a démolies. Après des années de lutte contre le culte, qui a coûté la liberté et la vie à de nombreuses personnes, il a déclaré que l’Albanie était le premier et le seul pays totalement athée en faveur d’une vision scientifique et matérialiste du monde.
Tout le monde devait soutenir le régime, contribuer activement et positivement au développement de la nation. Le peuple était pauvre, mal nourri, effrayé et ne pouvait exprimer ses pensées d’aucune façon. La nourriture était rationnée, les fêtes religieuses supprimées et remplacées par des fêtes nationales sans aucune connotation religieuse. Tout le monde était inscrit au parti et devait en louer les exploits. Dans les écoles, les enseignants faisaient de la propagande en disant aux enfants combien ils avaient de la chance de vivre dans un pays aussi riche et fort que l’Albanie.
L’art, la musique, la littérature, les spectacles étaient contrôlés et guidés par le régime, toutes les formes de communication étaient manipulées pour montrer une façade prospère, puissante et riche du pays et pour mettre en mauvaise posture le monde occidental.

 le monstre de la dictature a Tirana
Le monstre de la dictature, Bunk’art 2 Tirana

L’Occident, l’ennemi numéro un

Hoxha avait une véritable obsession pour l’Occident qu’il considérait comme l’ennemi numéro un et qui tentait d’éloigner et de discréditer par tous les moyens possibles. Pendant des années, le peuple albanais pouvait regarder que la télévision d’État qui diffusait des programmes de propagande politique et sociale en faveur du régime. Les téléviseurs de l’époque n’avaient qu’un seul bouton.
Très vite, le peuple découvrit qu’en tournant l’antenne d’une certaine façon, il pouvait capter les chaînes de télévision italiennes, la Rai en premier lieu et les chaînes Mediaset en un second temps. C’est pourquoi les Albanais qui ont plus de 30 ans parlent couramment l’italien.
Bien évidemment regarder les programmes télévisés d’un autre pays était interdit, c’est pour cela que les voisins se mettaient d’accord entre eux pour être sûr que personne ne balancerait. Un tel fait, découvert par la police ou par le parti, pouvait conduire toute une famille en prison ou dans des camps de travaux forcés.

Tv italienne, Canzonissima
Tv Italienne Rai, Canzonissima 1974

La rééducation par le travail forcé

Le nombre de personnes emprisonnées ou exécutées pendant la dictature d’Enver Hoxha est choquant. Le but officiel de la détention des prisonniers était la « rééducation ou la réadaptation » dans d’atroces souffrances et des travaux forcés. En prison, il y avait des prisonniers politiques et les prisonniers ordinaires. Les détenus travaillaient dans des camps de travail où ils purgeaient leur peine en exécutant des travaux forcés destinés à l’amélioration et à la construction de monuments publics, à l’extraction de minéraux ou à l’agriculture. La plupart des détenus travaillaient dans des conditions inhumaines. En effet, les décès dûs aux mauvais traitements, à la torture, à la malnutrition et aux maladies étaient très nombreux.
Selon un rapport publié en 2016 par l’Institut d’études sur le crime et les conséquences du communisme (ISCCC), on estime que les prisonniers politiques en Albanie étaient entre 30.000 et 34.000, dont 26.700 hommes et plus de 7 000 femmes. Selon la même source, 577 hommes et 450 femmes ont été condamnés à mort et tués sur place. Les corps des prisonniers qui ont été exécutés ou qui sont morts en prison n’ont jamais été restitués à leurs proches.

Ceux qui ne pouvaient pas être emprisonnés faute de preuves, mais qui étaient suspectés d’être une menace pour l’État, étaient internés. La procédure d’internement prévoyait que quiconque était accusé de fuite ou de propagande, serait transféré dans un centre d’internement pour une période pouvant aller jusqu’à 20 ans. Les personnes internées ne pouvaient pas sortir et ils devaient se présenter chaque jour devant la police pour signer un registre de présence. La règle générale était que les résidents du nord étaient internés dans le sud et vice-versa, de sorte qu’ils ne pouvaient avoir aucun contact avec des proches, des amis ou des membres de la famille.

Camps de travaux en Albanie pendant le communisme
Les camps de travaux forcés en Albanie pendant le communisme, Bunk’art 2 Tirana

Le Sigurimi et l’absence de tout droit humain

Le Sigurimi, un organisme mis en place pour assurer la sûreté de l’État et pour défendre le pouvoir, était chargé d’attaquer les opposants politiques et de traquer les ennemis du pouvoir.
Des arrestations, des tortures inhumaines et des assassinats truqués avaient lieu à la suite de crimes jugés contre l’Etat. Le tribunal interne agissait en dehors du système judiciaire de l’État, il n’y avait donc aucun contrôle.
La protection des autorités, la protection de l’économie, le contre-espionnage, la sécurité militaire, l’investigation et le recrutement étaient les principaux domaines d’action du Sigurimi, qui était composé surtout de volontaires et de fonctionnaires recrutés avec la force et en menaçant les familles et les proches.

Lorsque, dans les années 80, l’isolement de l’Albanie est devenu total, le Sigurimi s’est également chargé de contrôler et de bloquer toute action qu’il jugeait (de proche ou de loin) semblable à une propagande contre le régime. Des centaines de personnes furent aussi abattues aux frontières pendant les tentatives d’évasion qui se multiplièrent d’année en année.

 Bunk Art 2 s'échappe des frontières

Aucun endroit n’est sûr

Les représentants du Sigurimi pouvaient être n’importe où même parmi ses amis, ses voisins, ses proches.
Ils utilisaient des techniques enseignées par des instructeurs soviétiques avec des équipements de pointe fabriqués en Union soviétique ou en Allemagne de l’Est, ce qui permettait d’intercepter des conversations et de tout contrôler.
Des micros et des caméras cachées pouvaient être placés partout pour contrôler n’importe qui. La maison du voisin pouvait aussi devenir un point d’écoute pour un citoyen suspecté d’activités hostiles contre l’État. Les chambres d’hôtel, les bureaux publics, les postes de police et les prisons étaient équipée de micros.

Outil d'interception téléphonique dans l'hôtel
Outil d’interception téléphonique dans l’hôtel, Bunk’art 2 Tirana

Tout le monde surveillait tout le monde.

Toute personne étrangère entrant dans le pays était immédiatement considérée comme un suspect et donc soumise à un contrôle et à des mesures de surveillance de la part du Sigurimi, pendant toute la durée de son séjour en Albanie. Les touristes devaient suivre des règles strictes et précises qui prévoyaient une coupe de cheveux et un style vestimentaire adapté à l’esthétique socialiste. En effet, il y avait un coiffeur et un magasin de vêtements à chaque frontière.

L’isolement, la seule possibilité pour ne pas trahir les idéaux

Après plusieurs années, la politique menée par Enver Hoxha a conduit le pays à l’isolement extrême. Tandis que le monde changeait et que même les plus grands gouvernements communistes cédaient en faveur de réformes capitalistes, les choix politiques d’Enver Hoxha devenaient de plus en plus restrictifs jusqu’à l’isolement total du reste du monde.
L’amitié avec la Yougoslavie de Tito a cessé presque immédiatement, laissant place à un lien fort avec l’Union soviétique qui dura jusqu’au début des années 60, lorsque la Russie aussi a commencé à changer et à abandonner le modèle stalinien en faisant des choix politiques et sociaux différents.

La Chine de Mao Tsé-toung est devenue le nouvel et unique État ami de l’Albanie. Deux nations complètement différentes, éloignées géographiquement et culturellement, mais proches par des idéaux et des objectifs communs; l’Albanie avait besoin d’un allié puissant et la Chine avait besoin d’un soutien pour s’opposer à la Russie. Les relations économiques et politiques étaient solides depuis de nombreuses années, les Chinois étaient les grands amis des albanais, mais comme nous l’avons dit, le monde autour de nous était en train de changer et la mort de Mao, à la fin des années 70, a conduit à la rupture des relations entre les deux pays.

 affiche de propagande Albanie Chine
Affiche de propagande amitié Albanie Chine

L’Albanie, le pays des bunkersLa perpétuelle agitation politique et militaire de l’Europe tourmentait Hoxha qui, depuis les années 50, commença à construire des milliers et des milliers bunkers sur tout le territoire. Il s’agissait de bunkers antiatomiques et il a transmis au peuple albanais, la conviction d’une probable attaque étrangère imminente, ce qui ne s’est jamais produit.

Les bunkers étaient et sont encore partout. On en compte plus de 170.000 tout le long de la côte, dans les montagnes, dans les villages, dans les grandes villes, le long des routes. Pour les Albanais, la construction de bunkers armés a été une grande dépense qui a privé le pays de besoins plus importants tels que des routes, des infrastructures et des habitations.
Selon leur utilisation, les bunkers étaient construits de façon différente. Ceux de surveillance pouvaient accueillir un ou deux militaires, ceux de contrôle, plus larges, avaient avec un diamètre d’environ 8 mètres et enfin les grands bunkers et les tunnels étaient utilisés à des fins stratégiques, pour héberger et protéger les membres du ministère de l’Intérieur et les fonctionnaires de Sigurimi.

À Tirana on peut en visiter deux des plus importants bunkers devenus aujourd’hui des musées historiques représentatifs du communisme et de la dictature; le Bunk l’art 1 situé au pied du mont Dajti (juste à l’extérieur de la ville) et le Bunk l’art 2 situé dans le centre. Nous vous recommandons fortement d’aller les visiter.

Bunk'art 2 Tirana
Bunk’art 2 Tirana, Entree

Enver Hoxha, le dictateur féroce aux idéaux irréductibles, est décédé en 1985. Après sa disparition, le système qu’il avait créé, a commencé à apparaître à tous comme de la pure folie qui a conduit le pays à une situation désespérée.

Il a fallu quelques années de transition avant que le Parti communiste ne soit plus réélu et que les démocrates de Sali Berisha se présentent pour gouverner le pays.

C’était en 1991 et c’était le début d’une nouvelle période politique, économique et sociale difficile pour l’Albanie.

Navire Vlora
Le navire Vlora dans le port de Bari en Italie en 1991 chargé de réfugiés albanais qui ont fui leur patrie après la chute du régime